Lunacy (2006), le dernier film du cinéaste d’animation Jan Švankmajer, n’est pas un biopic (biographical picture) ; il s’agit d’un long métrage entièrement fictionnel, ponctué de courtes séquences d’animation stop motion, dans lequel la figure de Sade occupe une place de première importance (au sein d’une trame narrative qui doit tout autant à Sade qu’à Edgar Allan Poe, nous avertit Švankmajer, avant que ne commence le film).
Or, qui dit « figure de Sade », dit inévitablement subversion. De Sade, nous retenons surtout le libertin, le jouisseur déjanté, incessamment emprisonné, puis libéré — récidivant toujours. Le Sade mis en scène par Švankmajer n’échappe certes pas à sa vocation de libertin, mais le cinéaste tchèque a le mérite de reprendre à son propre compte la subversion sadienne pour donner lieu à un film où toutes les libertés sont prises (en font foi, par exemple, les marionnettes de viande qui s’animent, des plus bizarres façons, durant les intermèdes filmés en stop motion).
Dans le cadre de cette communication, il sera question d’explorer les rapports entre la vieœuvre (Noguez, 1993 : 116) de Sade, l’image-mouvement et la matière (aussi bien la chair des corps que la viande animée en stop motion). Par quels moyens une éthique et une esthétique dictées par la subversion peuvent-elles être extirpées d’une vie, d’une œuvre littéraire, et se retrouver matérialisées à l’écran ? Et que signifie cette reprise des motifs de la subversion propres à l’œuvre et à la vie de Sade ? S’agit-il seulement de mettre en scène une figure d’écrivain bien connue, ou de cautionner, par l’intermédiaire de cette même figure, un cinéma pour le moins dérangeant ?