Vêtements chimériques et mutations identitaires : 
Pour un dépassement des frontières du genre

Auteur / Author: 
Liza PETITEAU (Figura, Université du Québec à Montréal, Canada)
Date: 
Friday, August 26, 2011 - 15:45
Local: 
R-R160

 

Chaque matin, avant de projeter son corps dans l’espace public urbain, chaque individu choisit ses vêtements. Si les formes, les couleurs, les matières sont diversifiées et que le choix paraît des plus délibéré, tout ceci n’est qu’un leurre. Notre corps est toujours un corps pris dans le social, contraint à renvoyer une image fictive de lui-même. C’est ainsi que le vêtement, interface entre notre corps nu et le monde extérieur, instaure la possibilité pour le sujet de se façonner à la manière dont l’artisan sculpte une table ou une chaise, en fonction d’un « schéma » imaginaire qu’il construit de lui-même. En tant qu’extension du moi corporel pour reprendre les termes de Flügel, le vêtement devient cet « autre moi » qui structure notre autoreprésentation. Par là même, arrimées aux cimes irréelles de l’imaginaire, certaines artistes femmes aux XXe et XXIe siècles construisent grâce aux vêtements des images d’un corps malléable et modulable à souhait. Depuis les prothèses chimériques de Rebecca Horn (Cornutopia ; Gants-doigts, 1970) jusqu’aux pratiques artistiques transgenres de Del La Grace Volcano (Sublimes Mutations, 2000) en passant par les vêtements « seconde peau » de Nicole Tra Ba Vang (Collection Printemps/Été 2001), j’étudierai comment ces créations « retravaillent » les métamorphoses du corps à travers une esthétique de la transgression des frontières genrées. Si les vêtements sont des outils de projections identitaires, qu’ils soient fantasmés sur le dessin ou réalisés dans des performances publiques, ils mettent en scène des identités fictionnelles en perpétuelle mouvance. Aussi, en adoptant la ligne de fuite du devenir deleuzien confrontée aux théorisations queer de Teresa de Lauretis et Judith Halberstam, j’adopterai une lecture transversale et transgenre des identités pour « dire » et « réécrire » un corps au-delà des normes et des stéréotypes de représentation.