À la suite des recherches que nous avons effectuées pour dégager les principes essentiels d’une poétique et d’une esthétique de l’émerveillement en littérature, notre communication aura pour but de mettre en évidence les relations existant entre cet émerveillement et la ritualité, et ce au moyen de deux perspectives complémentaires.
Dans un premier temps, on s’attachera à montrer en quoi l’émerveillement constitue, dans certains cas, un rite à part entière, dont la visée ontologique serait proche de celle du rite d’initiation, mais qui se différencierait de celui-ci non seulement sur le plan sociologique, mais aussi par sa structure et par son fonctionnement. En tant qu’expérience subjective, qui ne requiert pas l’encadrement par une collectivité, l’émerveillement fournit au sujet l’occasion de restructurer son rapport au monde de telle sorte qu’il s’en trouve profondément modifié, d’une manière durable ou temporaire. Ce bouleversement se remarque, à l’intérieur des récits qui le mettent en scène, du côté de certains personnages, mais aussi chez le lecteur, qui peut éprouver lui-même ce changement. L’émerveillement apparaît dès lors comme une fonction spécifique de la littérature, qui prend place aux côtés des fonctions que la théorie littéraire a déjà inventoriées.

Dans un second temps, on envisagera de quelle manière l’émerveillement peut participer à certains processus, rituels ou non, en tant que rite enchâssé. Il joue alors un rôle de catalyseur, accélérant et potentialisant, en particulier grâce aux éléments esthétiques qu’il déploie, les réactions attendues par ces processus dans lesquels il s’insère. De cette façon, il confère une dimension ontologique même aux opérations apparemment les plus superficielles. Ce faisant, il montre à quel point une configuration esthétique ritualisée peut être efficace, y compris lorsqu’elle apparaît dans d’autres cadres que les productions littéraires ou artistiques proprement dites.