Les propos de cette communication graviteront autour de l’œuvre hypermédiatique Broken City (James Alliban, 2006, http://rhizome.org/artbase/41083/index.html). Ce tableau numérique situé au croisement de l’œuvre-flux et de l’art génératif et dont le résultat de la navigation s’apparente au montage photographique, à la mosaïque et au palimpseste, donne à voir et à entendre une ville morcelée qui ne peut advenir qu’avec la participation de l’internaute. Comment cette œuvre parle-t-elle de la ville contemporaine ? Comment les gestes (et l’absence de gestes) impliqués dans la navigation de cette œuvre nous parlent-ils de nos manières de concevoir l’espace urbain ? En quoi les régies de lecture de cette œuvre, où le morcellement fait figure de donnée fondamentale, nous permettent-elles de réfléchir à la manière dont nous percevons l’environnement urbain.
La figure du flâneur servira ici de clé à la lecture de Broken City. Ayant subi de nombreuses transformations depuis le flâneur baudelairien tel que défini par Walter Benjamin, cette figure a trouvé son prolongement naturel dans celle du fureteur (browser) ; nous démontrerons comment la métaphore de la marche subit un déplacement vers une logique haptique du regard. Les déplacements du curseur (messager, coureur et marcheur, nous rappelle l’étymologie) sont, dans Broken City, dictées par les formes reconnues lors de la mise au jour des fragments photographiques ; les photographies, toutefois, n’obéissent jamais au même ordre et la vitesse de déplacement du curseur influence grandement la façon dont les zones survolées apparaissent (l’effet de bougé est d’ordre plus ou moins important) et la manière dont l’œuvre est perçue, au même titre que la lenteur ou la vitesse du marche influencent la captation des signes urbains. Le lecteur de cette représentation numérique de la ville n’a d’autre choix que de s’en remettre à une certaine forme d’attention flottante (près de l’awareness gestaltiste), mais aussi, et surtout, au jeu.