Les prémices de la mégalopole ou comment la littérature édifie l’imaginaire intemporel de la ville moderne

Auteur / Author: 
Thibault GARDEREAU (Université de Versailles Saint-Quentin, France)
Date: 
Thursday, August 25, 2011 - 17:00
Local: 
R-R130

 

L’année 1890 marque un tournant décisif dans l’histoire américaine. Les historiens Mélandri et Marienstras établissent chacun à leur manière un lien entre les prémisses des ambitions internationales des États-Unis, la prise de conscience de leur suprématie industrielle et surtout sidérurgique, l’organisation et la concentration du capitalisme, ainsi que la fin de la frontier en 1890. C’est à partir de ce moment précis que le visage de l’Amérique se transforme et qu’une pléiade d’écrivains européens comme Céline, Duhamel, García Lorca, Kafka, Maïakovski, Morand et Wells tentent de saisir et de transcrire ce « nouveau » Nouveau Monde. En quelques mots, ils ne sont plus projetés dans l’espace de la libre sauvagerie aux paysages majestueux sur lequel souffle le vent de la liberté, mais dans la cité policée et démiurgique qu’est New York. Cette métamorphose crée un mythe : celui de la grande métropole américaine, féroce et futuriste, esthétisée et factuelle, dans laquelle se trouve plongé l’écrivain. De ce choc culturel naîtra un nouvel exotisme urbain, exotisme qui est en premier lieu un geste mémoriel et comparatif qui a tendance à peindre le paysage urbain à l’aune de souvenirs de la cité d’origine, et en second lieu, un geste imaginaire et futuriste qui a tendance à fantasmer une métropole fantastique et apocalyptique. Cette vision mi-insolite mi-analogique, mi-utopique mi-expressionniste a créé des images qui marquent encore l’inconscient collectif de nos jours et qui se retrouvent constamment dans les discours sur l’imaginaire urbain de New York autres que littéraires.