Au mois de juin 2010, l’exposition « Spoliés ! “L’aryanisation économique” en France 1940-1944 » est ouverte à Grenoble. Pour la première fois en France, ce volet économique de la période fait l’objet d’une exposition d’envergure dans un des bâtiments les plus prestigieux de la ville. Mais pourquoi cette exposition ? Posée d’emblée au visiteur, cette question met en évidence le glissement entre mémoire et histoire qui va se jouer tout au long de sa visite. La majorité des expôts présentent de l’écrit et peuvent être montrés tour à tour comme document ou comme image. Il y a aussi une abondance de textes explicatifs qui s’ajoute aux textes des expôts eux-mêmes : titres, répétition du titre, chapeaux, textes explicatifs... Enfin, la scénographie présente deux espaces proches d’une installation d’art contemporain. Ces espaces sont clos et dénués de mot. Ils fonctionnent par l’évocation et le symbole. La grande richesse textuelle, la variété de ses traitements ainsi que l’usage de l’installation pour suggérer des images sont un matériau inédit pour comprendre les rôles que peuvent prendre les mots et les images tantôt pour informer tantôt pour « ne pas oublier ».
Inscrite en muséologie, une recherche de terrain a été développée pour comprendre comment cette exposition fait ce travail de mémoire. Dès les premières phases de travail jusqu’à l’inauguration et l’ouverture au public, des observations approfondies ont été menées. Pour compléter ces observations, des entretiens qualitatifs ont été administrés à une dizaine d’acteurs institutionnels ayant joué un rôle dans le projet d’exposition. À partir des premiers résultats de cette recherche, nous faisons l’hypothèse que le musée peut adopter un rôle spécifique pour les enjeux de mémoire qui se matérialisent par des choix muséographiques. Comment ce média peut-il participer à une forme de commémoration et donner une réponse aujourd’hui au travail de mémoire ?