Jacques Roubaud : Écriture, image(s) et mémoire de soi

Auteur / Author: 
Dominique MONCOND’HUY (FORELL, Université de Poitiers, France)
Date: 
Monday, August 22, 2011 - 15:15
Local: 
R-R160

 

Écrire : essayer méticuleusement de retenir quelque chose, de faire survive quelque chose : arracher quelques bribes précises au vide qui se creuse, laisser, quelque part, un sillon, une trace, une marque ou quelques signes.
- Georges Perec, dernières lignes d’Espèces d’espaces


L’œuvre entrecroisée de la photographe Alix Cléo Roubaud et du poète Jacques Roubaud se construit tout entière comme un questionnement sur l’image de soi, sur la représentation du corps et les signes de la présence, sur l’anticipation de l’absence par une pensée des traces qui génère chez la photographe la suite Si quelque chose noir et chez le poète, une fois Alix disparue, Quelque chose noir.


Mais au delà de la relation d’Alix à Jacques Roubaud (marquée du sceau de la figure de Wittgenstein), l’œuvre du poète peut être entièrement lue comme le projet, ouvert avec ∈ en 1967, d’élaborer un corpus qui ne cesse de construire des traces des autres (le frère défunt dans ∈, Alix) et de soi, de l’œuvre même (Le grand incendie de Londres comme trace de la destruction du projet littéraire) en tant qu’elle est vécue comme recherche et construction d’une mémoire de soi, d’un imaginaire personnel constamment remis en jeu. Pour ce faire, Roubaud emprunte aussi bien les voies de la fiction, des biographies imaginaires (Nous, les moins-que-rien, fils aînés de personne), de l’entreprise de mémoire en prose (Le grand incendie de Londres et les volumes qui suivent) ou de l’essai (Ciel et terre et ciel et terre, et ciel, sur Constable), prenant plus d’une fois le masque de pseudonymes fictionnels (M. Goodman).


En s’attardant notamment sur le livre consacré à Constable en même temps qu’à soi-même, donc en s’attachant notamment à la figure du nuage et à la métaphore de la pratique littéraire de Roubaud qu’on peut y lire, on montrera comment ces principes d’écriture ne cessent de constituer la mise en œuvre de la réponse apportée au principe wittgensteinien : ce dont on ne peut parler, il faut non pas le taire mais le montrer de manière oblique — et comment ils placent le lecteur dans la position inédite de celui à qui l’on dit tout mais qui ne saurait l’entendre.