En 1967 parurent aux Éditions surréalistes deux livres illustrés par Toyen. Le Puits dans la Tour de Radovan Ivsic était accompagné d’un cycle de douze dessins intitulé Débris de Rêves, tandis que six collages originaux de la même artiste ornaient le recueil Sur le Champ d’Annie Le Brun. Au cœur de ces deux ouvrages où la poésie est question avant tout de désir, l’artiste, en ses dessins et collages, représente non seulement l’image mais aussi l’idéale amie, celle qui fait office de lien secret entre des écrivains épris. De sorte que le jeu d’échos entre textes et images de ces recueils serait placé sous le signe d’une connivence érotique pour happy-few. Au bout du compte, puisque la présence picturale de Toyen symbolise et souligne l’union d’Ivsic et de Le Brun, les images — inscrites avant tout telles des signes — en viendraient à perdre leur pouvoir d’illustration. Les textes, au contraire, réinvestis paradoxalement d’une fonction illustrative, permettraient de saisir et de déchiffrer les images, ces « débris de rêves » poétisés. De fait, le triangle formé par les trois artistes ne serait-il pas une manière parfaite d’évoquer et de mettre en jeu ce « tiers pictural » cher à Liliane Louvel ? Nous montrerons que ce qui se trame ici, en ces rencontres texto-picturales est avant tout question d’imaginaire amoureux.