Expérience littéraire et efficacité rituelle

Auteur / Author: 
Myriam WATTHEE-DELMOTTE (Fonds de la Recherche Scientifique et Centre de Recherche sur l’Imaginaire, Université Catholique de Louvain, Belgique)
Date: 
Thursday, August 25, 2011 - 08:30
Local: 
R-R160

 

Le concept de paratopie (Maingueneau) pense le discours littéraire en deux volets interactifs : l’émergence d’un sujet et la constitution d’une communauté institutionnalisée. Selon ce principe, la littérature, en tant qu’expérience de création corrélée à celle de la lecture qu’elle appelle et programme pour une part, fonctionne sur le mode rituel. Car l’écrivain construit une représentation et en assure l’efficacité en s’appuyant sur des substrats mémoriels symboliques — marques identitaires à l’égard d’une culture —, mais aussi en convoquant de l’émotionnel — ancrage indéfiniment renouvelable dans la subjectivité irréductible du lecteur.


Selon les anthropologues, ce qui définit le rite est sa faculté à ne pas relever « d’une logique purement empirique qui s’épuiserait dans l’instrumentalité technique du lien cause-effet » (Rivière). C’est en ce sens que la littérature est rituelle, car au départ d’éléments matériels (le support textuel, l’occupation d’un espace-temps transitionnel...), grâce à un dispositif performatif particulier qui fait droit tant à la sensibilité individuelle qu’aux codes d’une communauté « interprétative » (Fish), elle engage la mise en œuvre d’un imaginaire qui produit des effets dans le réel (Rosier-Catach, Radway).


Sur cet horizon théorique, la question toujours énigmatique de l’efficacité littéraire peut être repensée en regard de ce qu’elle traduit d’un déplacement du rapport contemporain au sacré. L’expérience littéraire s’offre comme un lieu propice à prendre en charge l’appel à l’excédant (Nancy). Différents rites de parole et d’écriture dont la littérature s’empare sur le plan formel et/ou thématique traduisent un sens de l’inépuisable dans lequel il n’est pas question de conceptualiser la transcendance, mais d’expérimenter, au départ de l’« ici », l’ouverture à l’« ailleurs » (Sollers). La littérature prend en charge par ce biais, dans la sphère profane, la fonction dévolue, dans la sphère du religieux, à l’icône.


Nous développerons cette question à partir d’exemples en littérature française.