11 septembre 2001, chute des tours jumelles. 1945, le procès de Nuremberg révèle la réalité des camps de concentration. La Shoah et le 11 septembre ont radicalement changé la façon dont l’homme appréhende le monde. L’existence même de ces catastrophes conditionne un changement planétaire, met en jeu des nouveaux rapports politiques autant qu’une nouvelle vision de l’homme. Ces deux évènements provoquent un sentiment d’horreur qui perdure au-delà de leur simple avènement.
Parce que ces catastrophes bouleversent, en témoigner requiert une forme exceptionnelle. Pour Michel Vinaver (11 septembre 2001) et Peter Weiss (L’Instruction), les témoignages constituent le matériau essentiel. Refusant de passer par le détour d’une histoire particulière pour parler du traumatisme, ils choisissent de mettre en scène dans leurs pièces un matériau brut : le témoignage des victimes.
À partir d’une somme documentaire — minutes du procès de Nuremberg chez Weiss, bribes d’émissions de télévision ou de journaux chez Vinaver — les deux auteurs décident de composer un oratorio. Cette forme, qui met en scène les évènements fondateurs de la Bible dans une cérémonie rituelle et lyrique, est ici utilisée pour exprimer le choc provoqué par ces cataclysmes. La forme sacrée entre en collision avec le fond, l’esthétisation extrême de la composition musicale avec la brutalité de la réalité. Le détour par la forme rituelle permet aux auteurs de porter un regard sur l’évènement et met en tension la barbarie et la beauté, chacune étant le fait de l’humain.
Le travail sur la forme s’apparente à la fois à une lutte contre l’oubli et à un besoin de rendre leur voix aux victimes des tragédies. Elle met également en question la forme dramatique et sa capacité à dire l’horreur.