Tenir lieu du passé : Indice iconique et icône indicielle

Auteur / Author: 
Nathanaël WADBLED (Centre d’Études Féminines et d’Études de Genre, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, France)
Date: 
Vendredi 26 Août 2011 - 15:45
Local: 
R-R120

 

Présentés sur le même plan dans les musées d’histoire, images photographiques et témoignages d’individus témoins semblent être mis sur le même plan et fonctionner de manière similaire. En effet, ils tiennent tous deux lieu de l’événement évoqué, c’est-à-dire en sont les signes au sens que Charles Peirce donne à ce terme. Cependant, si l’image photographique assure une continuité directe avec son objet, la parole ou l’écrit est une reconstitution a posteriori.

Jean-Marie Schaeffer considère que la photographie est le résultat d’un contact physique direct, à l’opposé des autres images, par exemple peintes, qui ne sont pas obtenues par une simple conformité aux lois de l’interaction physique mais à travers la médiation de lois esthétiques ou d’un acte créateur humain se plaçant entre la chose évoquée et son inscription. Dans ce dernier cas, il n’y aurait pas de continuité biographique entre l’image et la chose représentée. Les écrits et paroles des individus témoins semblent fonctionner selon cette seconde logique. Il s’agit bien d’une reconstitution, dans la mesure où ils ne rendent pas quelque chose inscrit par contact direct et demeuré depuis. De même que l’image photographique, le témoignage d’un individu est donc ce que Peirce nomme une icône qui dit quelque chose de son objet, mais il ne saurait comme elle être un indice ayant été en contact avec son objet.
Renaud Dulong permet cependant de considérer cette différence comme une apparence. En effet, il remarque que le corps du témoin fonctionne de manière indicielle dans la mesure où il était déjà là lors de l’événement et est demeuré depuis. Or, le témoignage de l’individu est précisément indétachable de l’individu qui le produit et de son corps, même si celui-ci est donné par l’intermédiaire d’un écran vidéo ou cinématographique. Ce n’est donc pas à proprement parler le témoignage qui témoigne, mais l’individu en tant à la fois que corps indiciel et parole ou écrit iconique. Dans cette mesure, images photographiques et individus témoins fonctionnent bien selon une double logique similaire dont il faudra caractériser le fonctionnement et les enjeux.