Interprétation personnelle, psychologique et poétique sont parmi les composantes engagées par l’imaginaire et, « au moins dans le cinéma narratif (et tout cinéma l’est d’une certaine manière) c’est le type d’image qu’on produit qui détermine la narration et non le contraire ». De même, chaque pratique artistique donne expression physique et matérielle à la vision que l’auteur poursuit dans sa quête de réalisation, Ozu écrit, « veiller à ne pas trahir ses toutes premières résolutions est de la plus extrême importance ». Or, dans le cinéma, ce qui est fondamental c’est de saisir et de réaliser, c’est ce que la capacité de transformation et de dépassement emprunte au mécanisme et à l’optique de la caméra. La limite de notre œil naturel, explique Epstein, associé à notre œil artificiel, permet de développer une « subjectivité automatique » car elle trouve dans la vision subjective de la machine la réponse à l’image mentale du cinéaste durant la fabrication du film : « toute se passe comme si cette image matérielle avait qualité mentale ».
Le choix de quelques films, notamment Monte Carlo de Ernst Lubisch (1930), A Matter of life and Death de Michael Powell et Emeric Pressburger (1946), Johnny got his gun de Dalton Trumbo (1972), Le Scaphandre et le Papillon de Julien Schnabel (2007), va nous permettre de tracer un parcours d’analyse de « la subjectivité automatique » sur la représentation d’un regard, qu’il soit celui du narrateur ou celui d’un personnage (caméra subjective), où l’image signifie dès lors qu’elle est manipulée dans sa nature. Ainsi, par le biais de la technique cinématographique, le regard nominal du monde est remplacé par un regard engagé qui, reflétant un état autre, nous fait atteindre l’hypersensibilité d’une gravité hors de soi. Dans ce sens, cette communication montrera ce que la technique est capable de faire signifier de la réalité, se donnant pour tâche de transformer en ressenti visuel, sonore et verbal ce qui au premier degré ne serait que banal enregistrement d’image.