Mircea Eliade a depuis longtemps formulé le principe de correspondance et d’interpénétration des textes de la littérature et des textes religieux. On étudiera ici deux modèles rituels repris par la littérature à deux traditions religieuses différentes :
1) D’abord le rituel chrétien de la confession : celle de Stephen Brown, à la fin du roman Les Fous de Bassan, prend la forme d’une lettre adressée à un ami lointain qui ne la lira peut-être jamais, mais qui est pris à témoin (le sens premier de testament est : acte exigeant le concours de témoins). L’aveu plusieurs fois retardé de son crime passe par l’écriture dont la valeur cathartique lui permettra peut-être d’échapper à la torture du remords et de mourir en paix. Cette confession où le personnage affronte ses cauchemars et revit son crime est d’autant plus dramatique qu’elle précède immédiatement sa mort. Le texte prend donc valeur de testament au sens de dernière expression de la pensée de quelqu’un.
2) Ensuite le rituel païen d’évocation des morts : Monsieur de Sainte-Colombe, dans le roman Tous les matins du monde, se livre à un véritable rituel de nécromancie pour rappeler à la vie sa femme disparue. On retrouve l’offrande du vin, succédané du sang des sacrifices antiques et celle de la musique de la viole de gambe, véritable langage aux pouvoirs surnatu-rels grâce auquel Monsieur de Sainte-Colombe, nouvel Orphée, rappelle des enfers l’ombre de l’épouse disparue. Les expressions comme « la barque de Charon », « les Enfers », « l’ombre d’Enée » qui servent de titres aux œuvres de Sainte-Colombe renvoient explicite-ment à ces rituels.