Rites intimes dans la littérature contemporaine : Un art de la défaillance

Auteur / Author: 
Stéphane CHAUDIER (Université Jean Monnet, France)
Date: 
Jeudi 25 Août 2011 - 8:30
Local: 
R-R160

 

Je voudrais m’interroger sur la façon dont la littérature contemporaine investit, et peut-être surinvestit, la dimension de la ritualité intime, et en particulier les rituels de deuil. Outre l’importance presque exorbitante des rites — inscription qui, pour cette raison même, apparaît 
symptomatique —, ce qui me frappe particulièrement, c’est le sentiment de défiance — voire de dérision — qui finit inévitablement par corroder la représentation littéraire de ce ritualisme obsessionnel, presque toujours appréhendé dans sa dimension strictement intime.


L’institution littéraire paraît donc exiger deux choses contradictoires :
d’une part, elle fait de la représentation de rituels intimes l’expérience contemporaine par excellence, le domaine privilégié du partageable ; et d’autre part, elle prescrit chez l’écrivain comme chez le lecteur une distance qui rend le rite inopérant, en fait une forme pure, désespérément cultivée pour elle-même, admissible — et respectable — à cette condition expresse.


La littérature d’aujourd’hui tend à montrer l’homme contemporain comme aussi incapable de se passer des rites qu’impuissant à croire en leur efficacité. Très paradoxalement, le « bon » rite, littérairement et éthiquement parlant, ne pourrait et ne devrait être qu’un rite défaillant — un rite qui appelle et intègre le complément critique de la suspicion et de l’ironie.


La « modélisation » littéraire et contemporaine du rite remet donc en cause sa fonction anthropologique : permettre le retour à la vie, produire et autoriser un détachement qui n’est pas l’oubli. Mais aujourd’hui, l’efficacité rituelle semble insulter le pathétique de la perte, horizon affectif et social indépassable de notre temps. De quoi cette poétique du rite est-elle le symptôme ?