La notion d’auteur unique et tout puissant a posé problème à maintes reprises dans le discours artistique. Pensons simplement aux écrits collectifs des Surréalistes, ou plus simplement au cinéma et au théâtre, arts collaboratifs. Dès le début des années 1960, avec le développement des arts intermédiatiques et hypermédiatiques, cette problématique a pris une toute nouvelle tangente. L’idée d’un créateur-dieu a été, plus que jamais, mise à mal. Non seulement les nouveaux médias engagent-ils une myriade de spécialistes plutôt qu’un créateur unique, mais, par leur caractère profondément interactif, ils transforment bien souvent leur spectateur en auteur. L’œuvre unique n’existe plus ; chacune de ses expériences est un renouveau.
Ce phénomène atteint un paroxysme avec le net.art. Le spectateur (l’internaute), en plus des multiples programmeurs, designers, scripteurs, écrivains, engendre par sa simple présence virtuelle des modifications formelles et esthétiques dans une partie, voire dans la totalité de l’œuvre. Il suffit qu’il active sa Webcam, qu’il clique sur un lien, qu’il déplace sa souris d’un iota pour que l’œuvre se crée ou se transforme, qu’il ait été avisé de ce pouvoir créateur ou non. Il suffit même parfois qu’il se connecte dans l’œuvre pour qu’elle s’engendre… Dès lors, comment comprendre la figure de l’auteur si l’œuvre se constitue par — et bien souvent à l’insu — de l’internaute ? Ce dernier peut-il être compris comme un auteur si aucune posture créatrice n’a été consciemment ou inconsciemment adoptée, à part peut-être celle d’avoir cliqué sur un lien hypertexte ? Comment réfléchir le processus créateur si les modalités d’interaction de l’œuvre échappent au créateur lui-même ?
Prenant à témoin des œuvres centrales de l’art Web, j’observerai combien cette participation, qui pourrait être comprise comme profane, influe sur la forme même de l’œuvre. Je tenterai de mettre à jour le rapport que peuvent entretenir de telles œuvres avec les notions de spectature et de lecture afin de saisir davantage, en fin de parcours, le statut qu’elles revêtent au sein d’un discours théorique étant lui-même à ses premiers balbutiements.