Au cours des trois dernières décades, la littérature péruvienne s’est consacrée à la compréhension du conflit armé qui a affecté le Pérou entre les années 1980 et 2000. Les textes coïncident sur le fait d’avoir produit des récits où le Pérou apparaît frappé par la crise, la destruction, la violence, et par un ensemble de conflits sociaux affectant les différents champs, concrets et symboliques, de la société. Dans un contexte marqué par la configuration de visions sceptiques, cruelles ou désenchantées — face à la possibilité d’édifier une nation et de projeter un destin sensé —, la littérature péruvienne fait souvent appel à des clés apocalyptiques, élaborant ainsi un « imaginaire de la fin » qui surgit du besoin de révéler un contexte de crise, de lui donner un sens et de réveiller l’espoir de transformation ; tout cela dans l’enjeu de donner un sens à la dimension politique sousjacente au genre.
Or, dans un cadre où la guerre interne est finalisée et où l’on constate une croissance macroéconomique accélérée, les romans publiés depuis l’année 2000 élaborent des stratégies narratives et rhétoriques particulières. Ce sont des romans qui relèvent plutôt d’un imaginaire postapocalyptique, ceci entendu non seulement comme un scénario énonciatif chronologiquement postérieur au fait historique auquel il fait référence, mais principalement comme modes d’expression dans lesquels une importante conscience méta-narrative se réveille grâce, précisément, à la difficulté de symbolisation. En parallèle, ces textes semblent obéir au « besoin » d’universaliser le monde raconté, dans le but de traduire ou de rendre plus compréhensibles au lecteur global et la nature et la condition des phénomènes vécus au Pérou.
Ainsi, l’exposé comporte une lecture interprétative du roman Abril Rojo (2006), de Santiago Roncagliolo. L’objet de cette lecture est de les insérer dans le débat autour des représentations discursives de la violence, des savoirs sur le Pérou qui s’en dégagent, des lieux idéologiques à partir desquels on élabore les discours et des conséquences politiques de telles prises de position.