Pierre Albert-Birot, connu comme directeur de SIC, la revue moderniste qu’il fait paraître de 1916 à 1919, a eu mille autres vies. Sculpteur, peintre, puis poète, mais aussi entrepreneur, homme de théâtre, PAB — comme le surnomment ses intimes — a également eu une pratique photographique conséquente dans les années 1910. Outre ses œuvres et ses proches, Pierre Albert-Birot se photographie lui-même avec des mises en scène et des jeux de miroirs qui ne sont pas anodins dans l’univers de la photographie amateur de l’époque.
Nous voudrions mettre en relation sa pratique picturale et le large ensemble de ses autoportraits photographiques, récemment découverts, avec sa poésie — en particulier les Poèmes à l’autre moi — de façon à éclairer son obsession de la quête identitaire et sa fascination pour le thème du double. On verra ainsi le rôle spécifique que joue la photographie dans la figuration de l’écrivain, en l’occurrence ici dans la posture et la mystique du poète que PAB s’attache à construire dans toute son œuvre. La photographie, essentielle dans ce que Christian Chelebourg appelle la « psychomythie de la création (Chelebourg, 2005 : 115), sert l’extraordinaire sens du spectacle, du décor et de l’accessoire de Pierre Albert-Birot.
En élargissant notre propos à la dimension intermédiatique de l’autoportrait, le « cas PAB » sera pour nous l’occasion de réfléchir au rôle de la photographie dans l’imaginaire et à son utilisation comme instrument narcissique. Autoportrait et poésie sont en effet autant de « monuments funéraires, que l’on dresse à soi-même » (Albert-Birot, 2005 : 311 et seq.).