Depuis une dizaine d’années, on observe l’entrée d’un nouveau type d’image dans le champ de l’art. La photographie amateur anonyme, trouvée le plus souvent dans des marchés aux puces, fait l’objet d’un intérêt croissant de la part de commissaires d’exposition, d’éditeurs, de théoriciens de la photographie et d’artistes contemporains. Plusieurs musées ont récemment présenté des expositions entièrement consacrées à des photos trouvées, donnant à voir des images souvent banales, voire ratées, comme des objets d’art légitimes. Cette communication explore quelques pistes de réflexion visant à cerner à quoi tient cet engouement soudain pour des images perdues, jetées ou abandonnées, réalisées par des inconnus. L’avènement du numérique vouant la photographie argentique à disparaître, la rareté des images produites par cette technologie devenue obsolète lui confère la valeur d’un passé muséifiable. Les expositions de photos trouvées gardent les traces d’un certain rapport au médium photographique, alors que les pratiques amateur sont en pleine transformation, notamment en ce qui a trait à la matérialité de l’image photographique et aux accidents de prise de vue. La fascination pour ces images amateur met non seulement en lumière notre obsession pour l’archivage, la tendance actuelle à tout historiciser en conservant jusqu’aux images les plus communes, elle témoigne également d’un rapport nostalgique au passé. L’apparition de nouveaux contenus (la nouvelle voiture, la jeune famille devant la maison, les moments de loisirs, les vacances au bord de la mer, etc.) qui deviennent dès les années 1920, mais surtout pendant l’après-guerre, des motifs récurrents de la photographie amateur, contribue à constituer l’image enthousiaste d’un âge d’or de la consommation de masse. Encouragés par les publicités de nouveaux modèles d’appareils photo, les amateurs utilisent le médium photographique comme outil de promotion sociale et construisent une fiction collective qui alimente aujourd’hui notre imaginaire de cette période de prospérité.