Logbook ou le livre-objet transfrontalier de Christian Dotremont

Auteur / Author: 
Raluca LUPU-ONET (Université de Montréal et Collège de Valleyfield, Canada)
Date: 
Mardi 23 Août 2011 - 10:15
Local: 
R-R150
Séance/Workshop: 
24-2. Les mots de la peinture

 

Les logogrammes de Christian Dotremont, poète surréaliste belge, englobent dans leur tracé, qui fait de l’illisible un trait poétique, deux modalités d’expression artistique : la peinture (des mots) et l’écriture manuscrite. Cette forme d’écriture transgressive se donne pour mission de faire valoir les qualités créatrices du verbe considéré dans sa matérialité écrite, tracée par la main de l’écrivain-artiste et exposé sur la toile. Objet hybride, donc, le logogramme synthétise l’expression de la différence qui se situe dans l’entre-deux (arts). Cette nouvelle création protéiforme met en cause toute une communauté, celle qui se crée entre le langage, l’artiste et le récepteur. L’expérience logogrammatique impose en effet une double métamorphose esthétique : le texte poétique est transgressif d’abord par son illisibilité matérielle (née du geste du poète qui trace les mots) et, ensuite, grâce à son statut iconotextuel qui le donne à voir avant la lecture. Le texte logogrammatique s’expose sur la verticalité de l’espace pictural et se passe du support livre. Publié en 1974, Logbook inaugure paradoxalement chez Dotremont un paradigme créateur inverse : les logogrammes redeviennent livre. Mais le dialogue du textuel et du visuel, au sein de l’espace livresque, s’avère particulièrement fécond, puisque texte et dessin collaborent afin de figurer l’histoire de Logogus. On est encore une fois loin de l’illustration;
 Logbook compte sur la fusion et le co-engendrement des deux modes d’expression chers à Dotremont.


Dans le contexte d’une réflexion sur le dialogue interartistique, je me propose de définir le logogramme dotremontien en tant qu’objet intermédial, tout en insistant sur les stratégies et les types de l’illisible qu’il met en place. Dans un second temps, je m’intéresserai spécifiquement aux rapports texte/image dans la création d’un nouvel espace livresque qui opère un changement radical dans le rapport avec le lecteur, à la fois lector et perceptor.