Dans une scène biblique aussi terrifiante que mystérieuse, une main détachée du corps humain se met à écrire un présage sur le mur d’un palais babylonien : « En ce moment, apparurent les doigts d’une main d’homme, et ils écrivirent, en face du chandelier, sur la chaux de la muraille du palais royal. Le roi vit cette extrémité de main qui écrivait. Alors le roi changea de couleur, et ses pensées le troublèrent ; les jointures de ses reins se relâchèrent, et ses genoux se heurtèrent l’un contre l’autre » (Dan 5 : 5-7).
Depuis, cette scène a été représentée dans plusieurs peintures et dessins (Le festin de Balthazar de Rembrandt, The Writings on the Wall de James Gillray). L’image de la main autonome et animée a nourri également l’imaginaire de nombreux écrivains. Elle se fraye un chemin dans de multiples folklores, bondit — pour emprunter une expression de Nerval — dans un nombre significatif de nouvelles fantastiques du XIXe siècle (chez Maupassant, Gautier, Schwob) et court le long des pages de divers auteurs du XXe siècle (Cendrars, Sartre, Cortázar). Dans une optique comparatiste, notre analyse focalisera sur ces trois vers bibliques — comme point d’origine de ce motif — et leurs transpositions et réinterprétations dans deux représentations artistiques, celles de Rembrandt et de Gillray, ainsi que deux oeuvres du XXe siècle (« Les doigts extravagants » d’Andrée Maillet et Si par une nuit d’hiver un voyageur d’Italo Calvino). Cette communication sera centrée sur la question de la mise en abyme : l’autoréflexivité demeure-t-elle lorsque la main est peinte écrivant plutôt qu’écrite écrivant ? Plus précisément, que lit-on dans la main de « Daniel » quand elle est écrite et que l’on ne lit pas si elle est peinte ?