Dans cet exposé, nous souhaitons entreprendre d’explorer la façon dont certaines images en mouvement exposées dans l’espace muséal deviennent de plus en plus picturales en participant ainsi au mouvement nommé « qui-prend-la-place-de-la-peinture » (Jacques Rancière). Il faut analyser comment convergent, tout en établissant la forme-tableau (terme de Barbara Le Maître), certaines caractéristiques du régime esthétique de l’art (la destruction des hiérarchies de la représentation, théorisée par Jacques Rancière ; la pure passivité d’une puissance expressive inscrite aux choses au premier plan et la volonté dramatique à l’arrière-plan) et le changement, décrit dans l’article intitulé « Du défilement au défilé » de Serge Daney, impliquant d’une part que les films se rendent plus lents ou presque immobiles et d’autre part que leurs spectateurs, au contraire, se débarrassent de la vision bloquée de la salle de cinéma. Dans cette analyse, nous tenterons également de démonter la place des films des frères Lumière dans la création de certaines images en mouvement exposées aux cimaises. Au-delà des films de Mark Lewis déjà mis en examen par Barbara Le Maître, nous analyserons également les œuvres plus ou moins similaires (Milky way de Benedek Fliegauf, What do I know de Sejla Kameric, Un portrait peut avoir un fond neutre de Carolina Saquel, la série de Platform de Cédrick Eymenier et Five d’Abbas Kiarostami). Nous mettrons l’accent sur les procédés formels (plan-séquence, mouvement de caméra, dispositif d’exposition, motifs inhérents à l’image) permettant à ces films, faisant partie de l’époque « entre-images » (Raymond Bellour), exposés aux cimaises, de devenir picturaux.