La parution de « Collectors » de Raymond Carver dans l’Esquire et des nouvelles « Dwarf House » et « Wanda’s » d’Ann Beattie dans le New Yorker marque d’une croix 1975 comme l’année où le minimalisme littéraire américain s’est imposé en force sur la scène littéraire contemporaine. À travers une esthétique de l’exclusion rigoureuse et la mise en place de codes d’omission complexes, les écrivains américains minimalistes (Raymond Carver, Ann Beattie, Frederick Barthelme, etc.) ont développé des textes conçus de manière à ce que le lecteur « ressente » (feel) davantage qu’il ne comprenne (Cynthia J. Hallett, « Minimalism and the short story », 1996). Pour reprendre Michael Trussler, l’écriture minimaliste pose la question de la relation énigmatique entre ce qui est présent dans le texte et ce que l’absence laisse sous-entendre (« The narrowed voice: minimalism and Raymond Carver », 1994).
Plus récemment, le minimalisme littéraire américain a été l’objet chez certains auteurs d’hyperfictions et d’hypertextes poétiques de nouvelles expérimentations formelles tendant vers une diminution grandissante du contenu textuel grâce à l’utilisation de procédés (animations, ambiances sonores, etc.) proprement hypermédiatiques. Ainsi, par l’ajout d’éléments visuels sans relation explicative directe au texte, ces auteurs créent de nouveaux espaces de non-dits et de nouveaux codes d’omission qui permettent de faire dialoguer les silences du texte et les silences des images. À ce titre, certaines œuvres de M. D. Coverley (Eclipse Louisiana, Accounts of the Glass Sky), de Rebecca Givens (Fallow) et de Heather Lee Schroeder (Letters to a Lover) se révèlent particulièrement intéressantes de par les univers riches qu’elles instaurent à travers une étonnante économie de moyens. Plus que jamais, ces œuvres se présentent comme des « coquilles d’histoires », des « contenants fragiles de sens condensé » (Cynthia J. Hallett, op. cit.).