Date:
Jeudi 25 Août 2011 - 15:15
Local:
R-R160
Séance/Workshop:
2-1. Rites de passage
Le suicide est d’ordinaire conçu comme un geste à la fois délibéré et individuel, poussé par des motivations diverses qui plus souvent qu’autrement concernent la psychiatrie, la psychologie, la sociologie ou encore la philosophie. Il en va de même en littérature, notamment chez les romanciers de la veine plus réaliste ou naturaliste de la seconde moitié du XIXe siècle en France (les frères Goncourt, Daudet, Zola, Maupassant), dont l’une des revendications consistait à mimer le réel dans le détail, et jusque dans ses retranchements les plus obscurs.
Cependant, la représentation type de la mort volontaire dans ce corpus tend à lier l’individu à sa communauté dans la mesure où elle se présente comme une réalité fortement ritualisée (le propre des rites est d’inscrire l’un au multiple), ce qui, d’une certaine manière, remet en question l’aspect essentiellement personnel du choix de mourir. L’incontournable lettre de suicide reste l’exemple le plus frappant de la paradoxale ouverture à l’autre que manifeste le suicidaire, mais bien d’autres saillies typiques des récits culminant avec la mort volontaire d’un protagoniste important abondent en ce sens. Plus largement, un certain nombre de scènes récurrentes d’un roman à l’autre et d’un romancier à l’autre paraissent à première vue scander les grands moments de ce qui pourrait bel et bien être le rituel du suicide. On ne se tue pas n’importe comment : certaines étapes — que l’on peut rapprocher des étapes-types de certains rites ou encore de schèmes rituels décrits par l’anthropologie (Van Gennep) — sont requises, passages obligés qu’elles sont pour le personnage suicidaire. La persistance de ces représentations à travers le corpus naturaliste nous autorise-t-elle à considérer le suicide comme un rite d’auto-expulsion de la communauté ? À tout le moins, il existe au plan diégétique des éléments rituels qui méritent d’être identifiés, examinés et décrits, ne serait-ce que parce que personne encore ne s’y est attaché.