Toute représentation est en quelque sorte une représentation mutilée et imparfaite dans le sens où elle ne peut que cacher une partie importante de ce qu’elle n’est pas capable de révéler, c’est-à-dire l’être ou l’essence. Mais on peut voir réaliser des discours délibérément inachevés au niveau de leur signifiant. Et de ce point de vue, nous sommes en présence d’une imperfection dédoublée : le paraître s’avère autant mutilé que l’être. La question qui se pose immédiatement à l’esprit est celle de savoir quel sens on peut attribuer à des représentations déjà incomplètes sur le plan de l’expression ? En effet, de telles expressions deviennent une initiation à la « pratique » de l’énonciation que l’on peut définir comme un lieu de l’exercice co-énonciatif. Un espace non articulé caractérisé par l’écart entre les signifiants et les signifiés. L’imperfection de l’énonciation fait perdre au discours son point d’ancrage. C’est ce qui nous introduit dans un monde cosmique où tout s’apprête à des investissements sémantiques indéterminés. Nous nous trouverons de cette façon devant un non-lieu qui renvoie d’un côté à la problématique de l’étique, vu qu’il crée des parcours individuels de la signification, et de l’autre à celle de l’esthétique, puisqu’il se caractérise par l’invention d’un temps propre à la rencontre sujet/texte. Tout en s’appuyant sur un tableau de Magritte (« The Empty Mask »), cet essai aura pour objectif de montrer, à partir d’un rapport texte/image, en quoi l’acte énonciatif incomplet relève de la dimension éthique et esthétique. De même, il s’efforcera de préciser comment l’activité imparfaite de l’énonciation peut témoigner d’une disponibilité à devenir, d’une énergie totale où le sens reste à construire.