Depuis les années 1830, le livre illustré commence à se commercialiser en France. Une nouvelle classe d’entrepreneurs, les éditeurs, va à la recherche de nouvelles méthodes de reproduction de l’imprimé et de l’image, afin de contenter un lectorat avide d’images. Grâce à l’invention du stéréotype vers la fin du XVIIIe siècle, les images pouvaient être imprimées dans la même forme que la typographie et reproduites à de multiples exemplaires. C’est surtout la technique de la gravure sur bois debout qui occasionne l’invasion massive de l’image dans le texte. Dorénavant, il devient possible d’imbriquer textes et images. Dans le livre illustré du XVIIIe siècle, le lien entre texte et
« planches » est plus lâche que dans le livre illustré romantique, à cause de l’emplacement en section séparée des images. Par contre, les vignettes romantiques, elles, s’infiltrent dans le texte. Dépourvues de cadres, elles commencent à jouer un rôle de césure visuelle dans le texte, sans pour autant détruire l’unité du bloc typographique. Significativement pourtant, l’illustration romantique cesse d’être la servante docile du texte. Elle n’est plus un simple écho du texte, au contraire, elle l’introduit, le prolonge ou le complète. Il arrive même qu’elle l’ironise comme dans les albums à caricatures de l’époque. Les vignettistes romantiques mettent en question l’hégémonie de l’auteur.
À cause de son hybridité, le livre illustré nous confronte avec l’impact du médium artistique sur la concrétisation du texte par le lecteur. Dans ma communication, je voudrais brièvement analyser la fonction narrative de la vignette romantique, à l’aide de quelques exemples empruntés à un des fleurons du livre romantique illustré, le Paul et Virginie de l’éditeur parisien Léon Curmer (1838).