Le langage de combat comme réactualisation du rite de la chasse à l’orignal dans La bête lumineuse de Pierre Perrault

Auteur / Author: 
Laurance OUELLET TREMBLAY (Département d’études littéraires, Université du Québec à Montréal, Canada)
Date: 
Jeudi 25 Août 2011 - 17:00
Local: 
R-R160

 

 
Traque emblématique et séculaire, le rite de la chasse à l’orignal remet en scène, à chaque automne, le combat de ruse et de finesse mené par les hommes contre la bête mythique des forêts québécoises. 
 
Si le film La bête lumineuse de Pierre Perrault nous plonge de manière exemplaire au cœur de ce rite (Ribon), il nous dévoile aussi ses failles et ses fêlures ; les moments où cette expérience rituelle, supposément « surchargée de valeur et de sens » (Ménard, 1994 : 19) s’effondre pour laisser place à la confusion et l’incompréhension. Nous verrons en effet que lorsqu’il s’agit de partager l’expérience vécue, les chasseurs entrent dans une rhétorique du combat, une dialectique éristique (Schopenhauer) qui ne mènera jamais à aucune entente ; « une chamaille ne s’épuise jamais. Il faut l’arrêter » (Perreault, 1982 : 245). 
 
À cet égard, Maurice Merleau-Ponty avance qu’au niveau de l’expérience, il « semble plutôt que les hommes habitent chacun leur îlot, sans qu’il y ait l’un à l’autre transition, et que l’on s’étonnerait plutôt qu’ils s’accordent quelquefois sur quoi que ce soit » (Merleau-Ponty, 1964 : 30). Il rejoint ici l’intuition de Marc Angenot demandant « pourquoi le langage, qui est censé rassembler les hommes, les enferme-t-il si souvent dans l’opacité frustrante de l’incompréhension réciproque » (Angenot, 2008 : 10) ? Dans le combat qu’ils livrent à la bête, les hommes se racontent comme des adversaires prêts à tout sauf à s’entendre.
 
Cette communication se propose donc d’examiner de quelle manière le langage de combat qu’utilisent les chasseurs est un élément nécessaire à la réactualisation du rite de la chasse à l’orignal dans la mesure où celui-ci relève d’un sacré tellurique n’imposant pas de parole divine transcendante. Dans cette mesure, le racontage et le légendage de l’expérience vécue par les hommes deviennent les lieux œuvrés de mots, les topos essentiels à la réapparition annuelle du profil, de l’ombre de la bête lumineuse, bête de langage, bête de combat.