Le carnet de voyage, œuvre mosaïque, collée, combinée et l’art de méta- et de l’inter-image artistiques

Auteur / Author: 
Pascale ARGOD (IUFM, Université de Bordeaux IV, France)
Date: 
Jeudi 25 Août 2011 - 13:30
Local: 
R-R140
Séance/Workshop: 
11-3. Intermédialiser les images

 

Images collées et combinées d’images de fonctions et de types différents, interaction des relations iconique et plastique, contexte et contrat de communication complexifient l’analyse sémiologique du carnet de voyage. Il s’agit d’une confrontation de la représentation visuelle occidentale à un ailleurs étranger à nos codes culturels.
 
Le carnet de voyage peut proposer une seule image aquarellée par page et la suite est comme autant de tableaux qui se déroulent au fil des pages ; par ailleurs, l’image peut combiner différents points de vue juxtaposés dans une même image aquarellée qui semble homogène à première vue. Le plus souvent, le carnet de voyage offre des images mosaïques, composées d’autres images, de nature et de fonction diverses, qui se mélangent afin de créer une composition globale (par exemple, dans le carnet Rajasthan dans les mains du soleil, de Jean-Yves Simon) ou qui suggèrent une lecture déambulatoire dans la page, du plan général au plan particulier, à travers des images de nature et de techniques artistiques variées, du dessin à l’aquarelle puis à la photographie, avec des zones de textes intégrées dans l’image (par exemple Irak, années Zéro, de Bertrand de Miollis, Thomas Goisque et Arnaud de La Grange). L’image du carnet de voyage est fabriquée d’instants croqués combinés, d’images collées, de style et de nature diverses, de témoignages dessinés aux multiples fonctions telles qu’émouvoir, raconter et informer. Aussi comment voir l’image avant même de la regarder ? Comment appréhender l’image dans sa globalité avant de penser à l’analyser et à l’interpréter ? C’est une problématique complexe de l’art contemporain qui ouvre sur différents niveaux de lecture et qui a été mise en exergue par les collagistes, les dadaïstes et les artistes du Pop Art. Aussi l’interprétation de l’image est-elle complexifiée : se fait-elle à partir de sa perception globale ou à partir de sa perception analytique ? L’aspect fortement contemplatif, artistique, créatif et imaginaire des images de carnets de voyage rend complexe l’analyse sémiologique : images collées et combinées de plusieurs images de fonctions et de types différents, interaction des relations iconique et plastique, contexte et contrat de communication… Par ailleurs, la conception autant que l’interprétation de l’image mettent en évidence une confrontation de la représentation visuelle occidentale à un ailleurs étranger à nos codes culturels, aussi l’image peut-elle être objet de débat et source de choc culturel. Connaître la charge symbolique des couleurs en fonction du pays et de sa culture semblerait indispensable au carnettiste qui part à la rencontre de l’autre. Cependant en fonction du regard du voyageur, l’objectif atteint par le carnet de voyage est différent : artistique, exotique, ethnographique, didactique… Le carnet porte un regard d’artiste sur un pays qui appartient à une autre culture et qui obéit à d’autres codes de signification des signes plastiques. L’artiste perçoit-il ces différences ? Par exemple, connaît-il la signification de chaque couleur dans le pays qu’il visite ? Emploie-t-il à bon escient le coloris adapté ? Traduit-il avec respect les couleurs ? Choisit-il plutôt d’adapter les nuances à sa perception personnelle issue de sa culture ? Joue-t-il de la différence culturelle dans la symbolique des couleurs ? Son carnet de voyage est-il un « entre deux », entre sa perception et celle de l’autochtone ? Son carnet de voyage est-il un outil de médiation culturelle entre sa symbolique des couleurs et celle du pays d’accueil ?