Considérer que l’œuvre d’art détient un discours quel qu’il soit, c’est faire l’hypothèse d’un contenu de l’œuvre qui serait décelé par l’interprétation qu’en ferait le spectateur. À partir du moment où le spectateur a extrait le prétendu contenu de l’œuvre, que reste-t-il de sa relation avec l’œuvre ?
L’appréhende-t-il encore comme une œuvre d’art ou juste comme un quelconque contenant qui aurait aussi bien pu prendre une toute autre apparence ? L’interprétation n’aurait alors aucune pertinence artistique.
Un contre-exemple semble se situe dans certains cas où l’interprétation porte elle-même sur l’art, autrement dit, dans les cas où l’œuvre est méta-artistique. Aussi, il nous semble que toute œuvre d’art peut en droit être perçue de manière méta-artistique : la réception du Guitariste de Picasso de 1910 peut par exemple évoquer au spectateur l’ensemble du cubisme analytique. Cependant, une telle interprétation est-elle fidèle ? Elle ne semble pas rendre compte de l’œuvre dans sa spécificité. Au contraire, certaines œuvres semblent stimuler l’interprétation méta-artistique, au sens où le spectateur ne trahit pas l’œuvre en la percevant portant sur l’art. Dans ces cas, l’interprétation ne scinde pas l’œuvre et son prétendu contenu. En effet, à partir du moment où l’œuvre d’art porte sur elle-même en tant qu’œuvre d’art, il s’opère un cercle vertueux pendant lequel œuvre et contenu ne font que s’éclairer l’un l’autre.
Après avoir présenté une typologie des modalités que peuvent utiliser l’image afin d’être méta-artistique, notre proposition a pour but de montrer que ce dernier cas de réflexivité radicale — celui où l’œuvre renvoie à elle-même — est le seul permettant au spectateur d’interpréter l’œuvre tout en continuant de la percevoir pour ses qualités artistiques et non pour les qualités discursives de son contenu : l’œuvre acquiert alors au statut d’œuvre d’art parce qu’elle se pose comme méta-artistique.