Joseph Chihouatenha, huron converti, se retire une semaine en janvier 1640 à Sainte-Marie-des-Hurons pour faire des exercices spirituels sous la direction du jésuite François Lemercier. Les Relations des jésuites de 1640 se feront l’écho de cette expérience unique à l’époque pour un autochtone : elles reproduisent une des prières que le néophyte aurait adressée à Dieu et ses saints dans la chapelle de Sainte-Marie. Pour l’auteur de la relation, il s’agit moins ici de sanctionner une réussite apostolique que d’isoler un autochtone afin de lui conférer une individualité « dévote » qui, du fait de la résistance des Hurons à l’évangélisation, s’avérait jusqu’ici impossible à décrire. Se construit alors une instance introspective au moyen d’une adresse à Dieu à l’intérieur d’un sanctuaire aux maintes consonances méditatives, car orné de tableaux et riche de reliques. Ainsi, c’est à une prière « scénographiée » qu’est donnée le soin de convoquer la figure du croyant amérindien. En l’occurrence, celle-ci se présente comme une intériorité paradoxale, puisqu’elle ne doit son existence littéraire qu’à une injonction de visibilité de la part des missionnaires et d’un lectorat français.