L’album pour la jeunesse, genre en constante évolution, occupe l’espace du péritexte (Genette) de manière singulière, oscillant entre le livre d’art et le livre d’artiste. Si l’édition de jeunesse explose, elle fait preuve d’une grande diversité, les artistes s’emparent des espaces péritextuels, restés neutres jusqu’ici, et investissent la fiction. Nous nous intéressons aux mises en fiction de l’artiste (auteur/illustrateur) jouant avec son lecteur. La fiction déborde sur les seuils, les seuils s’immiscent dans la fiction. En effet, l’album comme iconotexte (Montandon) peut, par le biais des glissements de frontières du péritexte vers la fiction, abuser son lecteur. Personnages, pseudo-auteurs et pseudo-lecteurs colonisent des espaces jusqu’ici interdits et/ou les déplacent (occupation des pages de garde, discours commentatif et évaluatif, de type préfaciel, discours métadiscursif du pseudo-auteur intégré au discours même…) Un jeu déconcertant de déconstruction et de mise à nu de la fiction se met en place, jeu dont nous analyserons les règles ainsi que les effets possibles sur le lectorat visé. Une circulation des imaginaires d’un support à l’autre, du texte à l’image, est alors créée par les mécanismes de jeux et feintes.
Ainsi il s’agit de concilier une réflexion générale basée sur un corpus d’albums avec l’analyse des caractéristiques de trois ouvrages représentatifs :
Chester, Mélanie Watt, 2007 ; Journal secret du Petit Poucet, Dautremer et Lechermeier, 2009 ; et L’oiseau de Mona, Poirot Cherif, 2008.
Nous nous appliquerons à examiner les stratégies d’écriture (textuelle et iconographique) utilisées, propres au support qu’est l’album, entraînant une duplicité ou complicité entre le narrateur et son personnage se réclamant d’une autonomie. La notion même d’auteur sera alors interrogée. Enfin, nous évoquerons la réception du lecteur devant ces nouveaux espaces de fiction entraînant une double lecture : narrative et ludique.