Image de soi, soi imaginé. La mise en scène de la piété par les objets de dévotion

Auteur / Author: 
Emmanuelle FRIANT (Université de Montréal, Canada)
Date: 
Mardi 23 Août 2011 - 13:30
Local: 
R-R110
Séance/Workshop: 
15-1. Le soi imaginé

 

Religion de l’Incarnation, le catholicisme a donné un corps et une chair à l’abstraction divine. De fait, il peut donc y avoir une image sensible du divin, et il est loisible de recourir au matériel pour donner une forme tangible au spirituel. C’est ainsi que durant le « siècle des saints », les objets de dévotion sont instrumentalisés par l’Église romaine pour fournir aux croyants de nouveaux codes destinés à forger leur imaginaire collectif. Images et textes s’accordent alors pour proposer une nouvelle définition de la sainteté, qui passe par la mise en scène des chapelets, crucifix et autres béatilles comme nouveaux attributs du parfait dévot. Ils s’inscrivent dans la conscience collective comme les signes extérieurs du soi spirituel qui, remplaçant l’auréole, mettent l’accent sur les nouvelles orientations de la dévotion post-tridentine. N’est véritablement saint que celui qui cherche à s’unir Dieu par l’oraison mentale et dont la ferveur se donne à voir à travers un vecteur concret.


Les laïcs « ordinaires » récupèrent ce modèle et l’intègrent à leurs propres modes de présentation de soi. Si l’objet de piété contribue donc à la caractérisation du sujet en tant que croyant, il ne montre cependant pas tant le soi réel que l’image d’un soi idéalisé qui s’offre au regard de l’autre. Il n’est donc pas surprenant que les « faux-monnayeurs en dévotion »
et autres tartuffes détournent la valeur représentative de ces signes pour exposer un soi spirituel qui n’est finalement qu’un soi imaginé.
Entre ferveur réelle et piété affichée, entre intériorisation de la relation à Dieu et extériorisation ostensible des pratiques, l’objet de dévotion contribue en tous les cas à renforcer la cohésion des catholiques comme membres d’une communauté partageant les mêmes signifiants : saints, croyants et faux dévots relèvent tous d’un même spirituel imaginé et confessionnalisé.