Je me propose d’aborder l’utilisation que firent les artistes modernistes britanniques de la gravure sur bois dans le livre illustré. L’œuvre de référence sera la série de gravures réalisées par Paul Nash pour illustrer Genesis, publié en 1924 par Nonesuch Press et imprimé chez Curwen Press, l’une des principales maisons d’édition avant-gardistes de la période.
Dans l’une de ses lettres à Paul Nash, l’écrivain Gordon Bottomley dit son admiration « pour la pureté de l’inspiration et de l’intelligence [à l’œuvre dans ces gravures]. Et cette intelligence est intimement liée au support utilisé. À quoi cela pourrait-il bien ressembler, je me le demande, de vivre perpétuellement à un tel niveau de perception et d’appréhension ? »
(28 mars 1927). Il est d’usage de voir dans cette série de douze estampes illustrant le premier livre de la Bible un tournant dans la carrière de Paul Nash au moment où il effectue sa transition de l’art figuratif à l’abstraction. Ces illustrations témoignent également de l’intérêt moderniste pour les
« qualités expressives du support », selon les mots de Roger Fry. À cet égard, elles font partie des méta-images les plus représentatives du renouveau de la gravure sur bois pendant l’Entre-deux-guerres.
Dans le prospectus accompagnant l’édition originale, Paul Nash écrit que « tout acte de création consiste à découper une forme primaire dans les ténèbres du néant », en référence à la première gravure de la série, intitulée « Void », un rectangle noir dont les bordures sont parcourues de fines hachures. On peut voir dans ces illustrations une manière de restaurer la spécificité symbolique et créative de la gravure sur bois, qui est tout à la fois technique, support et mode de révélation de l’imaginaire. Le livre illustré moderniste est un espace expérimental où typographie, espace paginal et relation entre image et texte trouvent un nouveau sens. Je m’attacherai donc à montrer que Genesis est un livre où l’expérimentation technique sous-tend une manifestation matérielle de l’imaginaire tel que ce concept fut élaboré par des artistes en rupture avec la tradition, mais conscients d’être les héritiers de l’épistémologie romantique.