Entre ombre et lumière : L’apocalypse environnementale et la sacralisation de la nature chez Aridjis et Barjavel

Auteur / Author: 
Laurence PAGACZ (Université Catholique de Louvain, Belgique)
Date: 
Vendredi 26 Août 2011 - 8:30
Local: 
R-R120

 

Dans beaucoup d’œuvres de ces quarante dernières années, littéraires et cinématographiques, les relations tendues de l’homme envers la nature débouchent sur une apocalypse non dénuée d’ambivalence : en effet, le nouveau monde post-apocalyptique présente généralement à la fois des dimensions utopiques et dystopiques : utopiques car elles dénotent l’aspiration à un monde naturel purifié et à un nouvel âge d’or ; dystopiques car l’apocalypse laisse derrière elle un monde ravagé. Ce rapport conflictuel, fait de peur et de fascination, de l’homme avec la nature est reflété dans — et s’est réveillé avec — la modernité technologique.

 

C’est bien cette dernière qui est en cause dans les recréations d’apocalypses modernes d’Aridjis et de Barjavel que je me propose d’étudier ici : La leyenda de los soles (1993), qui situe l’action à México en 2027, où les séismes font partie du quotidien, jusqu’à un séisme plus important qui détruit la ville et inaugure l’ère du Sixième Soleil, conformément à la légende ; Ravage (1943) se déroule dans un monde futuriste soudainement arrêté dans son fonctionnement technologique et détruit.

 

L’étude de la manière dont la littérature s’approprie les discours écologiques, l’écocritique, s’intéresse à l’imaginaire apocalyptique véhiculé par ces discours ainsi qu’à l’image négative de l’homme moderne, dépeint comme l’ennemi dans la guerre nature/technologie humaine ; cela fait dire à Laurent Larcher que l’écologisme est un antihumanisme et un anticapitalisme vert.

 

Aborder la littérature apocalyptique sous l’angle écocritique conduit à une réflexion sur le mythe de l’apocalypse qui permet, comme celui de l’utopie, de mobiliser les esprits et de transformer les modes de pensée occidentaux ; ces mythes ne resurgissent que lorsque la société est en crise, sous le mode de l’avertissement et de l’appel au changement. Ainsi, les œuvres apocalyptiques d’Aridjis et de Barjavel peuvent constituer une réponse à la crise écologique et culturelle actuelle. Avec l’apocalypse, tout en évitant la tentation de l’anthropocentrisme, semble apparaître chez ces auteurs une sacralisation de la nature, notamment par le biais de la mythologie — le mythe de l’âge d’or en particulier ; cette sacralisation, selon Freddy Raphaël, semble nécessaire à la restructuration de la société occidentale en manque de dieux : le sacré devient le langage à travers lequel les changements de la société peuvent devenir conscients en prenant un sens pour l’homme.