Des pierreries de la courtisane aux chaînes de l’esclave : Mutations de l’anneau nuptial dans La Curée d’Émile Zola

Auteur / Author: 
Sophie PELLETIER (Université de Montréal, Canada et Université Paris 8, France)
Date: 
Jeudi 25 Août 2011 - 15:15
Local: 
R-R160
Séance/Workshop: 
2-1. Rites de passage

 

 
Trésor des reliquaires ou panacée des sciences occultes, témoin des hiérarchies sociales et marque des généalogies, le bijou traverse les âges et les cultures, engagé dans plusieurs pratiques cultuelles et rituelles. Du nombre, le mariage constitue sans doute l’une des plus répandues et institutionnalisées. À lire divers ethnologues et anthropologues (Van Gennep, Mauss, Levi-Strauss), on réalise bien que l’union conjugale, occasion de faire circuler les personnes comme les biens ou les titres, s’inscrit au sein des processus d’échange sur lesquels repose le fonctionnement des groupes et leurs relations. Au centre de ces cycles de dons et de contre-dons réside bien sûr la femme, qui se donne contre compensation : la bague de fiançailles ou l’alliance (jusqu’au XXe siècle, seules les femmes en recevaient une). Cela revient-il à dire que le jonc nuptial, voire tous les bijoux offerts à l’épouse, l’associent à une courtisane, qu’il est d’usage de payer en joyaux ? 
 
C’est là du moins une analogie qui se tisse à travers plusieurs textes romanesques de la deuxième moitié du XIXe siècle, notamment La Curée d’Émile Zola, où les bijoux attestent l’exploitation du corps de la femme par son époux. Notre analyse démontre que le roman zolien va même plus loin, dans la mesure où il présente le personnage de Renée comme l’esclave de son mari : ici, les anneaux et bracelets se transforment en fers, et ainsi matérialisent une servitude corporelle et économique. Ce traitement littéraire permet alors de lire autrement la signification profonde de traditions qui se perpétuent encore de nos jours, fondatrices des relations entre hommes et femmes, et constitutives de l’organisation des sociétés.