De « Tais-toi, tais-toi… laisse-moi faire ! » à « Toé, tais-toé ! » : L’apport inédit du caricaturiste Robert La Palme

Auteur / Author: 
Alexandre TURGEON, Université Laval, Canada
Date: 
Vendredi 26 Août 2011 - 9:00
Local: 
R-R120

L’histoire, dans ses grandes lignes, est connue de tous. À l’été 1958, en pleine conférence de presse, tandis qu’Antoine Rivard, solliciteur général de la province, s’adresse aux journalistes, Maurice Duplessis l’interrompt effrontément d’un tonitruant « Toé, tais-toé ! » Le « cheuf » avait parlé, réduisant au silence l’un de ses ministres. Cette anecdote, mettant tout à la fois en scène le diktat de Duplessis, son autoritarisme et l’asservissement habituellement associés au mythistoire de la Grande Noirceur, est parmi les plus usitées lorsqu’il est question des années Duplessis. Il n’est pas rare, à cet effet, de voir l’anecdote surgir ci et là, au gré des discussions, sur Internet et ailleurs.
Or, la réalité est tout autre. Ce ne serait pas un grossier « Toé, tais-toé ! »
que Duplessis aurait cavalièrement servi à Rivard, mais plutôt un « Tais-toi, tais-toi… laisse-moi faire ! » qui, s’il renvoie au même paradigme d’un chef tout-puissant qui ne laisse pas ses subordonnées prendre la parole, a perdu de son mordant, de son cinglant. Une question toutefois demeure :
comment expliquer le passage de « Tais-toi, tais-toi… laisse-moi faire ! » à 
« Toé, tais-toé ! » ?
Comme nous nous proposons de le démonter dans cette communication, ce passage d’une expression à l’autre est attribuable au travail du caricaturiste Robert La Palme qui, le premier, a mis ces mots à la bouche de Duplessis. En y allant de quelques caricatures parsemées dans les derniers mois de 1958, La Palme parvient à distiller cette idée dans l’imaginaire de ses lecteurs. Plantée, cette idée germe dans leur esprit alors que le caricaturiste immortalise la scène, l’image appuyant et renforçant tout à la fois l’écrit. Ce faisant, La Palme contribue à fonder l’une des représentations les plus durables du mythistoire de la Grande Noirceur, une représentation qui persiste de nos jours.