Le déploiement de l’imagerie médicale contemporaine achève de rendre visible l’intériorité du corps, poursuivant la révolution épistémologique qui marque l’apparition de la science médicale contemporaine. Repoussant l’invisible à une extériorité devenue rare dans notre société du regard, le discours médical scientifique contraint au silence le champ de savoir — les termes de discours, de savoir et de discipline renvoient ici à leur conceptualisation foucaldienne dans L’Archéologie du savoir (1969) — sur le corps malade qui l’a vu émerger comme discipline. Ainsi, l’imaginaire du corps malade, notamment celui des malades, se trouve conduit à exister dans les limites d’un discours médical qui dispose pourtant déjà de son propre imaginaire (produit des images médicales). Pire, cet imaginaire produit par les images médicales a fait disparaitre l’imagination au profit de l’interface visuelle. Dès lors se dessine un enfermement de l’imaginaire du malade dans un corps entièrement territorialisé par la médecine scientifique et d’où toute création imaginaire a été annihilé. C’est cet apparent paradoxe, de la production d’un imaginaire en territoire hostile, que nous souhaitons mettre en lumière. À partir d’une comparaison entre les discours de malades du XVIIIe siècle (correspondance Tissot) et des discours contemporains (textes publiés), nous montrerons le déplacement du champ de l’imaginaire d’un savoir pluriel sur le corps à une référence discursive exclusivement biomédicale qui finalement y modifie le rôle propre de l’imagination. Ce sera donc vers d’autres lieux qu’il nous faudra porter notre regard pour espérer retrouver, dans les moyens détournés que trouvent alors les malades pour construire leur identité, un imaginaire du corps malade renouvelé.