De l’hybridité des corps et des genres artistiques : 
De Matthew Barney à Herman Kolgen

Auteur / Author: 
Marie-Laure DELAPORTE (Université de Paris Ouest Nanterre La Défense, France)
Date: 
Vendredi 26 Août 2011 - 14:00
Local: 
R-R160

 

À l’ère des monstres (Paul Ardenne, L’Image corps, Paris, Éditions du Regard, 2001, p. 380) et autres corps hybrides ou relevant de nouvelles technologies cybernétiques, il apparaît comme une évidence que les créations artistiques des années 1990 jusqu’à l’aube du XXIe siècle s’emparent de ces thématiques interrogeant le devenir humain et la culture émergente du « techno-body » (Alyce Mahon, Eroticism and Art, New York, Oxford University Press, 2005, p. 279-281). Ainsi ces êtres et ces corps qui n’étaient que pure anticipation et imaginaires dans les décennies soixante et soixante-dix, font désormais partie de notre environnement contemporain et de notre monde post-humain, des corps modifiés par les nouvelles technologies, siliconés et sculptés à l’aide de prothèses relevant à la fois du réel et de l’artificiel comme du biologique et du mécanique (Massimilio Gioni, Matthew Barney, Milan, Electa, 2007). Recréant une atmosphère de laboratoire, l’artiste devient le biologiste créateur de ces êtres visionnaires qui viennent contrarier la signification du terme « nature » pour mieux nommer la folie de la génération cyber-biologique (Thyrza-Nichols Goodeve, « Matthew Barney 95. Suspension (cremaster), Secretion (pearl), Secret (biology) », in Parkett n°45, Zurich, 1995, p. 67-69). Toutefois, si cette modification corporelle est rendue possible et entièrement visible grâce aux procédés artistiques, elle reste du domaine de la fiction, souvent filmique. Ces figures peuplent notamment les œuvres de l’artiste américain Matthew Barney et du canadien Herman Kolgen. Tous deux artistes pluridisciplinaires, ils développent des créations proches de la notion de « Gesamtkunstwerk » (œuvre d’art total), mêlant film, installation, sculpture ou encore performance traduisant de manière formelle les textes et scénarios des artistes. Barney met en images son cycle The Cremaster (1994-2002) articulé autour de personnages étranges et mystérieux qu’il incarne lui-même, tour à tour Diva, Magicien, Apprenti franc-maçon… Kolgen, dans son œuvre multimédia Inject (2008-2010), plonge un corps humain dans une citerne subissant pressions aquatiques et transformations neurosensorielles (voir http://www.kolgen.net/projects/inject-0). Le corps du spectateur est ainsi immergé dans l’œuvre, devant les écrans ou dans une version subaquatique. Le spectateur est désormais confronté à une œuvre offrant une nouvelle forme spatio-temporelle.