Entre 1929 et 1933, les hebdomadaires humoristiques et illustrés montréalais Le Goglu, Le Chameau et Le Miroir, dont l’éditeur, le propriétaire et le principal rédacteur est le journaliste d’extrême droite Adrien Arcand (1899-1967), publient régulièrement des caricatures au discours antisémite explicite. Dans l’imagerie des journaux d’Arcand, tous les éléments graphiques sont prétextes à aider sa campagne nationale anti-juive, à redonner « le Canada aux Canadiens ». Les caricaturistes sortent l’arsenal satirique : schématisation, déconstruction, soustraction et exagération, autant de procédés pour stéréotyper, animaliser et défigurer le peuple juif. Or, la question nationale au Québec dans les années 1930, à l’époque de Lionel Groulx et d’Henri Bourassa, mène nécessairement à la question de la langue. Cette dernière est présente dans les discours d’Arcand. Tout en prônant le retour du joug impérial britannique sur le Canada, Arcand souhaite sauvegarder certains aspects de la culture canadienne française, dont la religion et la langue. Il écrit même, dans Le Goglu, un roman-feuilleton en joual. De manière à la fois littéraire et formelle, la langue et le texte sont aussi appelés à contribuer au discours antisémite qui s’articule dans les caricatures des journaux d’Arcand. Ce qui nous intéressera dans cette communication sera de savoir comment s’articulent, par rapport aux images satiriques, les différentes langues utilisées — le français, l’anglais, le joual et l’hébreu — ainsi que les jeux textuels et phonétiques présents à l’intérieur et à l’extérieur de l’espace caricatural.