« [J]e ne crois pas la peinture de la société moderne possible par le procédé sévère de la littérature du XVIIe et du XVIIIe siècle. L’introduction de l’élément dramatique, de l’image, du tableau, de la description, du dialogue me paraît indispensable dans la littérature moderne » (Balzac, Études sur M. Beyle, Frédéric Stendalh : 1840 [sic]). À partir de cette affirmation, je me propose d’analyser la relation existant entre texte et image dans deux œuvres de Balzac. En 1838, La Peau de chagrin est publiée dans sa version illustrée. Il s’agit du premier volume du projet Balzac illustré (qui restera pourtant inachevé), dont le but était de rééditer les œuvres complètes de Balzac en les enrichissant des dessins des illustrateurs les plus célèbres de l’époque. Reconnu comme « le chef-d’œuvre du livre illustré romantique », ce texte témoigne du pouvoir indéniable de l’image sur l’écriture, si bien que Balzac, dans une lettre à Madame Hanska, affirme avoir à la fin atteint la « pureté de langage » si longtemps recherchée. De ce point de vue, Petites misères de la vie conjugale constitue une étape supplémentaire dans l’évolution du rapport complexe qu’entretiennent texte et image au XIXe siècle. Contrairement aux autres ouvrages de Balzac, ce texte a été conçu expressément dans sa version illustrée. Comme l’indique l’affiche publicitaire, « 300 dessins par Bertall » embellissent la première édition de 1846. L’image à lire se concrétise en image à voir grâce aux vignettes de l’artiste, en donnant au texte une apparence presque théâtrale. Sa structure fragmentée, accentuée par les illustrations qui en soulignent certains aspects cruciaux, suscite l’imaginaire du lecteur qui est appelé à modifier radicalement son approche de la lecture du texte balzacien.