FRANÇAIS
Bien avant Horace, bien avant Aristote, il est fort probable que l’on glosait déjà des rapports entre l’image et le verbe dans toutes les civilisations où ces « moyens » d’expression ont été mobilisés. Si les médias émergeants depuis le XIXe siècle, comme les journaux et la publicité, ont compris l’impact du « poids des mots et le choc des images », le livre illustré a tenté d’expérimenter d’autres rapports entre l’image et le texte en convoquant les imaginaires. Tantôt l’image prolonge la lecture du texte, la déplace, l’interprète, tantôt le texte « illustre » ou devient prétexte à l’image. Mais parfois cette relation ne se lit pas d’emblée dans une réciprocité. C’est aussi à la faveur de ces jeux et sous l’impulsion des transformations techniques, médiatiques, sociales et artistiques ultérieures, que l’on peut s’interroger sur l’affirmation de nouveaux formats pour cette relation : à l’instar de ce « phénomène de bordure » qu’est le livre d’artiste dans la seconde moitié du XXe siècle.
Grâce à une certaine démocratisation de la technique en Occident (informatique, PAO etc.), ce sont aussi les domaines considérés jusque-là comme « périphériques », à l’image de l’impression et de l’édition, qui s’affirment, dans le processus créatif, en tant qu’acteurs et agents de la création des XXe et XXIe siècles. Or, si la « matérialité » de l’œuvre, les supports et techniques de production, particulièrement sensibles dans le livre d’artiste, participent pleinement de l’œuvre, cela ne nous enjoint-il pas en retour, à rebours aussi, de considérer cette matérialité, qui est affaire de technique et d’art et par laquelle nous parvient l’image et le texte, comme « ouvroir » pour l’imaginaire ?
Entre le livre illustré et le livre d’artiste, c’est donc tout un spectre des possibles des relations de l’image, du texte et de leurs supports que nous tenterons d’interroger ensemble pour appréhender l’évolution de quelques vecteurs de l’imaginaire.
ENGLISH
Long before Horatius and Aristotle, it is highly likely that people were already talking about the connection between the “Image” and the “Word”, especially in the civilizations in which these media were used. If the mass-media rising from the 19th century (like newspapers and advertising) rapidly understood the potential power of words and pictures, the illustrated book tried to experience other connections between the pictures and the text by calling upon popular imagination.
Sometimes the picture is here to enhance, to deflect or to interpret the reading of the text. Sometimes the text is an illustration or a pretext for the picture. But sometimes this reciprocal exchange is not immediately obvious. It is thanks to this interplay and the progressive technical, media-related, social and artistic evolutions, that one may question the arrival of new formats for this interconnection such as this “marginal phenomenon” called “artist book” rising from the second part of the 20th century.
Thanks to a certain popularization of some techniques in the Western world (computing, DTP#…), some areas, which have been until now considered as secondary (such as printing and edition), will play a more important part of the creation process. They will progressively become doer and agent of the 20th and 21st century’s creation. Yet, if the “materiality” of the work, the media used, the manufacturing process especially perceptible for the “artist book”, play a key role for the work itself, could we not consider in return and in hind sight that this materiality, which is a question of art and technique through which we have access to the Image and to the Word, could be a “work shop” for Imagination?
From the illustrated book to the “artist book”, there is a wide range of possible connections between the Picture, the Text and their media. This is what we will try to explore together to understand the evolution of some vehicles for the Imagination.