Les écrits apocryphes, la source voilée de l’iconographie chrétienne. Ou la canonisation de l’apocryphe par l’image

Auteur / Author: 
IVANOVITCH, Alexandra (Université Paris-Sorbonne, France)
Date: 
Monday, August 22, 2011 - 10:30
Local: 
R-R140
Séance/Workshop: 
27-1. La lettre et l’image

 

[D]es ouvrages de ce genre, où s’il y a quelque chose de vray, on ne peut le discerner de ce qui est faux ; de sorte que c’est perdre le temps que de l’employer à les lire et à les examiner.
Le Nain de Tillemont



L’histoire de l’iconographie chrétienne ne saurait s’écrire sans revaloriser le rôle fondamental qu’ont joué les écrits apocryphes chrétiens, comme le rappellent David R. Cartlidge et James Keith Elliott dans Art and the Christian Apocrypha, qui se félicitent du renouveau historiographique autour de ce massif de textes aussi mal connu que mal-aimé.


L’image fut un relais du texte pour ceux qui ne savaient pas « scruter les Écritures » avec les yeux de l’esprit, pour reprendre la formule de Jean, 
5, 39-40 — une Biblia pauperum. Mais l’image en dit plus que le texte. Pour ne prendre que l’exemple de la Nativité de Jésus-Christ, où trouve-t-on mention des cadeaux des mages, et de la présence du bœuf et de l’âne, si ce n’est, respectivement, dans l’évangile du Pseudo-Matthieu, et l’évangile arabe de l’enfance : autant dire dans les limbes du canon biblique, dans des textes exclus du corpus chrétien autorisé, mais pleinement intégrés, par le biais de l’image, dans le canon des croyances ?


La question de l’intertextualité biblique, ou celle de l’intermédialité, s’en trouve légèrement déplacée, si l’on prend en considération cet « intertexte »
d’un genre bien particulier : il ne bénéficie pas à bon droit du préfixe 
« inter », puisque relégué aux marges para-bibliques du canon. Dès lors que l’on se penche sur ces sources « voilées » de l’iconographie chrétienne, pour reprendre l’étymologie du terme « apocryphe », ce qui ne manque pas d’interroger, c’est l’écart entre texte et image, le supplément de fantaisie, d’imagination, qui distingue la version écrite de la représentation iconographique. En outre, à la faveur de ce que Julia Kristeva appelle « le passage d’un système de signe à un autre », que vaut cette métamorphose d’un texte décrié en une image célébrée, cette canonisation de l’apocryphe par l’iconographie ?