Fils d’émigrants juifs en Amérique, l’artiste visuel Shimon Attie a réalisé à Berlin, entre 1991 et 1993, un projet intitulé Finstere Medine (ou Quartier Sombre) composé d’une série d’images d’archives d’abord projetées sur certains bâtiments de la ville, puis photographiées en vue d’expositions dans différents musées. Ces images d’archives présentaient les victimes juives de la Seconde Guerre Mondiale, et les replaçaient parfois à l’endroit exact qu’elles avaient occupé avant l’extermination, et parfois à de nouveaux emplacements.

Dans cette conférence, je suggère que l’œuvre d’Attie, par son intégration intermédiale du travail de l’image à l’environnement urbain, a repensé la configuration traditionnelle du passé comme empreinte archéologique. En cela, elle permet d’approfondir la réflexion sur le rôle et le statut de l’imaginaire dans la définition des rapports au passé et, plus particulièrement, dans le processus de deuil relatif à la commémoration des violences historiques. En déjouant subtilement les protocoles traditionnels d’archivation de l’image traumatique, ou en défigurant légèrement les axes de sa topographie mémorielle, l’œuvre d’Attie permet en effet de réfléchir sur la part d’imaginaire qui définit les réverbérations traumatiques du passé au-delà de la simple répétition.