Le geste pictural devance souvent tout concept : la certitude, à l’origine des cours de Deleuze sur la peinture, se retrouve chez nombre de critiques d’art (notamment Daniel Arasse). On voudrait pourtant interroger ce présupposé dans la torsion qu’il imprime à l’activité théorique. Car Deleuze, s’attaquant à la couleur des paysages de Turner, ou à la pomme de Cézanne, n’entend pas faire autre chose qu’approcher différemment la production conceptuelle, laquelle reste l’apanage de la philosophie — selon la définition proposée de celle-ci dans l’ouvrage écrit à quatre mains avec Félix Guattari : Qu’est-ce que la philosophie ? Il s’agit ainsi d’observer les voies de renouvellement du geste de pensée, selon le pas de côté que ce dernier s’autorise : l’abandon à l’image vaut peut-être en effet exploitation à ciel ouvert d’un imaginaire théorique trop longtemps contenu par « manque de subtilité », selon le mot célèbre de Nietzsche.
